Inutile de préciser que les sondages politiques sont utilisés pour évaluer les opinions, les préférences et les attitudes des électeurs sur des questions politiques, des candidats, des partis politiques et des politiques spécifiques. Il s’agit là d’un outil important pour mesurer l’opinion publique, recueillir des données et analyser les tendances politiques. Ils jouent un rôle essentiel dans les campagnes électorales, la prise de décision politique et la compréhension des attitudes des électeurs envers différents enjeux.

Nous remarquons qu’ils sont souvent utilisés pour prédire les résultats des élections et ainsi appuyer ou changer de politique publique en fonction du contexte et du résultat obtenu – en dépit du fait que de nombreux politiques se targuent dans les médias de ne pas « regarder les sondages ». En suivant les tendances des sondages, les analystes politiques peuvent estimer quel candidat ou quel parti pourrait gagner une élection.

 

Cependant, les résultats des sondages ne sont pas toujours parfaitement précis en raison de divers facteurs tels que les variations de participation, les retournements de dernière minute, la possibilité d’échantillonnage biaisé, les marges d’erreur et la difficulté à mesurer des opinions complexes en utilisant des questions simples à choix multiple, etc.

Surtout, les sondages peuvent influencer la perception publique et le comportement des électeurs. Lorsque les sondages montrent qu’un candidat ou un parti est en tête, cela peut encourager davantage de personnes à le soutenir par peur de « gaspiller » leur vote sur des candidats moins populaires. Par exemple en France, c’est la raison pour laquelle beaucoup de commentateurs ont parlé de vote « utile » pour expliquer la raison du faible score de la candidate de la droite républicaine, Valérie Pécresse, lors des présidentielles de 2022.

 

Aussi, les sondages politiques permettent de comprendre les enjeux les plus importants pour les électeurs. Cela peut aider les décideurs politiques à prioriser les questions qui préoccupent le plus la population.

Si l’on veut appuyer notre propos sur les marges d’erreurs dans les sondages, il convient de noter, d’une part, l’effet du dernier moment. Les électeurs peuvent prendre des décisions de vote à la dernière minute en fonction d’événements récents ou d’autres facteurs. Cela peut conduire à des variations entre les sondages pré-électoraux et les résultats finaux. Les électeurs peuvent parfois hésiter à partager leurs véritables intentions de vote avec les sondeurs, ce qui peut conduire à des erreurs de prédiction. Aussi, les opinions des électeurs peuvent changer pendant la campagne électorale en fonction des débats, des révélations sur les candidats ou des enjeux qui émergent.

 

De plus, les questions politiques peuvent être complexes, et les sondages ne capturent pas toujours la nuance des opinions des électeurs. Si l’échantillon sondé ne représente pas fidèlement l’ensemble de la population électorale en termes de diversité démographique, géographique et politique, les prédictions peuvent être biaisées. Enfin, les opinions exprimées dans les médias et les réseaux sociaux peuvent influencer les perceptions et les décisions de vote, mais ne sont pas toujours reflétées dans les sondages traditionnels.

 

L’élection française la plus marquante et illustrative à cet égard fut celle de la présidentielle de 2022, marquée par des erreurs de sondages significatives qui ont surpris de nombreux observateurs et analystes. L’erreur la plus notable a été l’échec à prédire la qualification de Jean-Marie Le Pen, le leader du Front National (l’ancien Rassemblement National) au second tour de l’élection. En effet, les sondages préélectoraux avaient largement sous-estimé le soutien à Jean-Marie Le Pen. Les sondages avaient généralement placé Lionel Jospin, le candidat socialiste, en tête du premier tour, suivi par Jacques Chirac, le président sortant. Cependant, Jean-Marie Le Pen a finalement obtenu suffisamment de votes pour se qualifier au second tour, créant ainsi un choc politique majeur. Les raisons de cette erreur de sondage étaient complexes et multifactorielles. Certains analystes ont suggéré que les électeurs de Jean-Marie Le Pen étaient moins enclins à répondre aux sondages en raison de la stigmatisation sociale associée à leur choix. De plus, le mécontentement à l’égard de la classe politique établie et des enjeux spécifiques tels que l’immigration ont pu jouer un rôle dans les préférences de vote. L’erreur de sondage a créé un climat politique tendu en France. La présence de Jean-Marie Le Pen au second tour a suscité une mobilisation massive contre l’extrême droite, avec de nombreux appels au « vote républicain » en faveur de Jacques Chirac pour empêcher la victoire de Le Pen. Jacques Chirac a finalement remporté le second tour avec une large marge. De ce fait, l’erreur de sondage a incité les instituts de sondage à réfléchir à leurs méthodes et à leurs échantillons. Elle a également conduit à des discussions sur l’importance d’inclure les opinions de tous les segments de la société, y compris ceux qui peuvent ne pas être représentés de manière traditionnelle dans les sondages. Ainsi, l’élection présidentielle de 2002 en France a été un rappel important des limites et des défis associés aux sondages électoraux.

A contrario, un exemple d’élection où les sondages ont bien prédit le résultat est l’élection présidentielle française de 2017. Emmanuel Macron, candidat d’En Marche!, a remporté l’élection présidentielle en mai 2017, en battant Marine Le Pen, la candidate du Front national, au second tour. Les sondages avaient généralement prédit une victoire d’Emmanuel Macron dès le premier tour et au second tour. Les sondages ont montré une relative stabilité des tendances au cours de la campagne électorale. Au second tour, la consolidation du vote anti-Le Pen a été reflétée dans les sondages. Les préférences partisanes étaient relativement bien capturées par les sondages. Cet exemple souligne qu’il est possible pour les sondages d’être relativement précis lorsque les conditions sont stables, que les méthodologies sont robustes et que les variations d’opinion sont relativement prévisibles. Cependant, il est important de noter que les sondages peuvent toujours comporter une certaine marge d’erreur, et il est recommandé de les interpréter avec prudence.En fin de compte, les sondages politiques sont des outils puissants pour éclairer le processus politique et fournir des informations précieuses aux acteurs politiques, aux médias et aux chercheurs. Cependant, il est important de les interpréter avec soin et de comprendre leurs limites inhérentes.

 

CAMARA Aboubacar

Doctorant en Philosophie des Sciences Politiques

Membre de l’Association Internationale des Sciences Politiques / IPSA- PhD- Student